di Phlippe PREVAL
Un concert magnifique proposé par Roma Barocca in Musica et les pieux établissements de France à Rome et Lorette avec le généreux soutien d’Aline Foriel-Destezet.
Quarante, le nombre d’années que le peuple hébreu a passé dans le désert, quarante, le nombre de jours que Moise passa par deux fois sur le mont Sinaï pour recevoir de Dieu les tables de la Loi[1], mais aussi quarante, le nombre de jours que dura le Déluge, le nombre de jours passé par le Christ dans le désert, celui qui sépare Pâques de la Pentecôte et quarante, le nombre d’heures qui sépare la mort et la résurrection du Christ[2]. Cette durée de quarante unités signifie dans la Bible un temps d’épreuve et de doute, un temps de prière et de supplication, un temps nécessaire pour approcher Dieu, entendre sa parole, se convertir et bénéficier de ses grâces.
C’est donc naturellement mais tardivement que le comput des quarante heures donna lieu à un culte particulier dans l’église catholique. C’est en effet à Milan, dans la décennie 1527-1537, que naquirent les « Quarante- Heures », comme cérémonie de supplication pour obtenir un terme aux malheurs et aux calamités du temps qui étaient essentiellement dus à « nos » guerres d’Italie et qui culminèrent avec le sac de Rome de 1527 par les troupes de Charles Quint ainsi que de dévotion au Saint-Sacrement. Cette double nature perdura pendant des siècles mais prit des formes différentes. Ainsi la menace turque remplaça rapidement celles des armées de l’Empire ou du royaume de France et sous Louis XIV on en vint même à prier pour la «prospérité des armes de Sa Majesté ».
Quant à la dévotion au Saint-Sacrement elle fut renforcée par la contreréforme qui réaffirma le dogme de la transsubstantiation. Les Quarante-Heures devinrent ainsi une « arme de guerre » contre le protestantisme, en particulier dans les pays où les deux cultes voisinaient. Du nord de l’Italie les Quarante-Heures se diffusèrent dans toute la péninsule, en particulier à Rome où elles furent introduites par saint Philippe Néri lui-même, puis dans tous les pays catholiques. Les Capucins furent parmi les principaux promoteurs de cette pratique de piété, mais les jésuites et les oratoriens y participèrent également.
De simples prières expiatoires adressées à Dieu devant le Saint-Sacrement, les Quarante-Heures prirent de plus en plus d’importance et furent de plus en plus spectaculaires . En 1537 le rite solennel, avec exposition du Saint-Sacrement, est défini et des indulgences sont concédées pour la première fois aux fidèles. Paul V puis Grégoire XV en favorisèrent la pratique et ce dernier enjoignit même au clergé français d’organiser des prières des Quarante- Heures pour le
« succès des entreprises royales contre les hérétiques du royaume, l’extirpation des hérésies et l’exaltation et la paix de notre Sainte Mère l’Église ».
Le faste des cérémonies qui comprenaient des concerts et des décors temporaires[3] s’accompagnât de la création d’un dispositif spécifique: la « machine » des Quarante-Heures. Il s’agit d’une construction, le plus souvent en bois, à plusieurs étages, conçue pour mettre en valeur le Saint-Sacrement. Elle s’installe temporairement devant l’autel, comme un mur de lumière, l’éclat des bougies se reflétant dans les dorures. La plupart des églises romaines en possédaient une[4]. Celle retrouvée récemment dans les combles de Saint-Louis-des-Français est la plus importante de Rome : elle recouvre tout l’autel majeur et mesure plus de 12 mètres de haut. Elle était éclairée par près de 300 bougies.

La découverte et la restauration de cette machine a donné lieu à un concert exceptionnel, reproduisant la liturgie des Quarante-Heures telle qu’elle se déroulait au XVIIe siècle, et comme il y a quatre siècles un regista, Philippe Casanova, s’est occupé de la scénographie. Il a peuplé l’église d’anges photophores et d’anges musiciens qui semblent les lointains cousins des stucs baroques qui décorent l’église.

Dirigé par Sébastien Daucé, qui a écumé les fonds des bibliothèques romaines pour établir le programme, l’ensemble Correspondance renforcé de huit chanteurs italiens, a donné un concert magnifique où quelques noms célèbres, Carissimi, Frescobaldi, ont été complétés de compositeurs oubliés, mais dont les partitions ouvrent l’âme à une spiritualité lumineuse comme les 300 bougies (électriques) qui entourent l’hostie. Jouant de la spatialisation en répartissant chanteurs et musiciens dans l’église Sébastien Daucé est parvenu à retrouver l’enthousiasme et le spectacle total qui caractérisaient les Quarante-Heures qui pouvaient mobiliser des dizaines de milliers de fidèles.
Mais le moment le plus extraordinaire reste le Pange lingua, ce plain chant immémorial, joyau du patrimoine chrétien. Le premier couplet, Pange, lingua, gloriosi / Corporis mysterium, fut chanté par un ténor au centre l’église, le second Nobis datus, nobis natus / Ex intacta Virgine, par un chœur de femmes où dominaient les mezzo, caché dans le bas-côté gauche de l’église, le troisième In supremae nocte cenae / recumbens cum fratribus, par un chœur d’homme, placé dans le bas-côté droit de l’église, les femmes avaient alors gagné le début de la nef, rejointes ensuite par les hommes et toutes les voix se rassemblèrent pour le Tantum ergo sacramentur. A ce moment-là, le passé, l’enfance, le futur, le présent, les perspectives du monde à venir, se mêlent et la litanie des saints à neuf voix d’Alessandro Melani s’envole pour achever le concert.

Il faut ici remercier Roma Barocca in Musica en la personne de son Président Régis Nacfaire de Saint Paulet, associé au Roma Festival barocco par Michele Gasbarro, pour le travail accompli au cours des ans pour revivifier le patrimoine musical baroque et porter à la lumière des compositions merveilleuses.
Il faut aussi remercier les pieux établissements de France à Rome et Lorette et la chaine de télévision KTO, cette chaine voulue et portée par le cardinal Lustiger, car celle-ci a réalisé une captation vidéo de la soirée. Si bien que, ce concert privé romain est maintenant accessible aux amateurs du monde entier[5], il est donc universel, n’est-ce pas là la definition de Katholikòs.
Philippe PREVAL Rome 6 Avrile 2025
Versione in Italiano
Un magnifico concerto presentato da Roma Barocca in Musica e dalle istituzioni pie di Francia a Roma e Lorette con il generoso sostegno di Aline Foriel-Destezet.
Quaranta, il numero degli anni che il popolo ebraico trascorse nel deserto, quaranta, il numero dei giorni che Mosè trascorse due volte sul monte Sinai per ricevere da Dio le tavole della Legge, ma anche quaranta, il numero dei giorni del diluvio, il numero dei giorni trascorsi da Cristo nel deserto, nonché quello che separa la Pasqua dalla Pentecoste e quaranta, il numero delle ore che separano la morte e la resurrezione di Cristo. Questa durata di quaranta unità significa nella Bibbia un tempo di prova e di dubbio, un tempo di preghiera e di supplica, un tempo necessario per avvicinarsi a Dio, per ascoltare la sua parola, per convertirsi e per beneficiare delle sue grazie. Fu quindi naturale, anche se tardivo, che il calcolo delle quaranta ore desse origine a un culto particolare nella Chiesa cattolica. Fu infatti a Milano, nel decennio 1527-1537, che nacquero le “Quaranta Ore”, come cerimonia di supplica per ottenere la fine delle sventure e calamità del tempo, dovute essenzialmente alle guerre che culminarono nel sacco di Roma del 1527 da parte delle truppe di Carlo V, nonché di devozione al Santissimo Sacramento. Questa duplice natura persistette per secoli, ma assunse forme diverse. Così la minaccia turca sostituì rapidamente quella degli eserciti dell’Impero o del Regno di Francia e sotto Luigi XIV si arrivò addirittura a pregare per la “prosperità delle armi di Sua Maestà”. Quanto alla devozione al Santissimo Sacramento, essa venne rafforzata dalla Controriforma, che riaffermò il dogma della transustanziazione. Le Quaranta Ore divennero così un’“arma da guerra” contro il protestantesimo, soprattutto nei paesi in cui le due fedi coesistevano. Dall’Italia settentrionale le Quaranta Ore si diffusero in tutta la penisola, in particolare a Roma, dove furono introdotte da San Filippo Neri, e poi in tutti i paesi cattolici. Tra i principali promotori di questa pratica di pietà furono i Cappuccini, ma vi parteciparono anche i Gesuiti e gli Oratoriani.
Da semplici preghiere espiatorie rivolte a Dio davanti al Santissimo Sacramento, le Quarantore assunsero sempre più importanza e divennero sempre più spettacolari. Nel 1537 venne definito il rito solenne, con l’esposizione del Santissimo Sacramento, e per la prima volta vennero concesse le indulgenze ai fedeli. Paolo V e poi Gregorio XV incoraggiarono questa pratica e quest’ultimo ordinò addirittura al clero francese di organizzare preghiere delle Quarantore per “il successo delle imprese reali contro gli eretici del regno, l’estirpazione delle eresie e l’esaltazione e la pace della nostra Santa Madre Chiesa”. Lo sfarzo delle cerimonie, che comprendevano concerti e decorazioni temporanee, fu accompagnato dalla creazione di un dispositivo specifico: la “macchina” delle Quaranta Ore. Si trattava di una costruzione, solitamente in legno, a più piani, progettata per mettere in risalto il Santissimo Sacramento. Veniva installato temporaneamente davanti all’altare, come fosse un muro di luce, con il chiarore delle candele che si rifletteva sulla doratura. La maggior parte delle chiese romane ne aveva uno. Di recente ne è stato scoperto uno nella soffitta di Saint-Louis-des-Français e4d è il più grande di Roma: ricopre l’intero altare maggiore e misura più di 12 metri di altezza. Era illuminato da circa 300 candele. La scoperta e il restauro di questa macchina hanno dato vita a un concerto eccezionale, che riproduce la liturgia delle Quaranta Ore così come si svolgeva nel XVII secolo e, come quattro secoli fa, un regista, l’artista Philippe Casanova, si è occupato della scenografia, arredando la chiesa con angeli portacandele e angeli musicanti che sembrano cugini degli stucchi barocchi che decorano la chiesa. Diretto da Sébastien Daucé, che ha scandagliato le collezioni delle biblioteche romane per elaborare il programma, l’ensemble Correspondance, rafforzato da otto cantanti italiani, ha offerto un magnifico concerto in cui alcuni nomi di celebri musicisti dell’epoca, quali Carissimi e Frescobaldi, sono stati affiancati da altri compositori oggi pressoché dimenticati, ma le cui partiture aprono l’anima a una spiritualità luminosa come le 300 candele (elettriche) che circondano l’ostia. Giocando con la spazializzazione, distribuendo cantanti e musicisti in tutta la chiesa, Sébastien Daucé è riuscito a ritrovare l’entusiasmo e la spettacolarità totale che caratterizzavano le Quaranta Ore, capaci di mobilitare decine di migliaia di fedeli.
Ma il momento più straordinario resta il Pange lingua, l’inno eucaristico semplice e immemorabile, un gioiello del patrimonio cristiano. Il primo verso canta lingua / gloriosi Corporis mysterium, era cantato da un tenore al centro della chiesa, il secondo Nobis datus, nobis natus / Exinttatta Virgine, da un coro femminile dominato da mezzo, nascosto nella navata sinistra della chiesa, il terzo In supremae nocte cenae / recumbens cum fratribus, da un coro maschile, posto nella navata destra della chiesa; quindi le donne giunte al all’inizio della navata, si uniscono agli uomini e tutte le voci riunite cantano il Tantum ergo sacramentur. In quel momento, il passato, l’infanzia, il futuro, il presente, le prospettive del mondo a venire, si mescolano e la litania dei santi in nove voci di Alessandro Melani prende il volo per concludere il concerto.
Dobbiamo qui ringraziare Roma Barocca in Musica e Roma Festival Barocco per il lavoro svolto nel corso degli anni per far rivivere il patrimonio musicale barocco e riportare alla luce meravigliose composizioni. Un sentito ringraziamento al Presidente Regis Nacfaire de Saint Paulette, dell’Associazione Roma Barocca in Musica. Dobbiamo infine ringraziare anche le pie istituzioni francesi di Roma e di Loreto e il canale televisivo KTO, voluto e sostenuto dal cardinale Lustiger, perché hanno realizzato una registrazione video della serata. Quindi, questo concerto privato romano è ora accessibile ai fan di tutto il mondo, è quindi universale: non è questa la definizione di katholikós?
NOTE