Paleotti, Annibale et le mouvement Capucin; un livre de Donatella Biagi Maino jette un nouvel éclairage sur les protagonistes du renouveau artistique à Bologne(texte original français traduit en italien).

di Philippe PREVAL

Donatella Biagi Maino, qui enseigne à l’université de Bologne depuis l’an 2000 et qui a publié plus d’une centaine d’articles, livre une longue étude sur le mouvement Capucin et ses rapports avec la création artistique, en particulier la peinture bolonaise, intitulée «La via cristiana alla pittura dei Frati Minori ».

Cette étude fera date pour tous ceux qui s’intéressent de près à la peinture du XVIIe siècle et disons-le, pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la peinture de l’époque moderne. On a souvent souligné que l’école des Carrache ouvrait une nouvelle période de la peinture qui s’est poursuivi jusqu’à David et Ingres, au point d’écrire qu’après Annibal Carrache, l’histoire de la peinture européenne se confondait avec celle de la peinture Bolonaise ou de la peinture issue de celle-ci.

La concomitance miraculeuse entre la publication de l’ouvrage du cardinal Paleotti, archevêque de Bologne, exprimant les idées tridentines concernant la peinture et la fondation de l’école des Carrache en 1582 a été soulignée par nombre d’historiens d’art. Ce que Donatella Biagi Maino nous apprend, c’est qu’il ne s’agit pas d’un diptyque entre le cardinal théoricien et le génial artiste entouré de son frère et de son cousin, que Bellori nomme son frère, mais bien d’un triptyque, le troisième volet étant précisément le mode de prédication des Capucins dont l’Emilie-Romagne était la première région d’implantation. Ce passage de la dualité à la trinité est un bouleversement de perspective majeur. La simplicité et le pragmatisme défendus par Paleotti et exprimés dans les tableaux des Bolonais sont précisément ce que la prédication des Capucins ont mis en œuvre au moins une génération avant la fameuse année 1582. D’une certaine manière, les Carrache ont illustré et Paoletti a théorisé ce que les frères prêchaient tous les dimanches dans leurs églises.

Pour démontrer cette thèse qui éclaire tout le mouvement de renouvellement bolonais d’un jour nouveau, Donatella Biagi Maino commence par retracer l’histoire de l’ordre des frères mineurs capucins (Ordo Fratrum Minorum Capuccinorum). Celui-ci est aux Franciscains, ce que les Cisterciens sont aux Bénédictins, un mouvement de refondation comme l’Eglise en a connu tant. L’auteur nous conte la picaresque aventure des débuts de l’ordre dans une première partie très documentée (pp. 12-17). L’ordre naît vers 1525, lorsque le frère franciscain Matteo da Bascio, ordonné prêtre dans les Marches, arrivé à la conclusion que le style de vie mené par les franciscains de son temps n’était plus ce que saint François avait voulu, choisit de s’écarter de l’ordre pour revenir au mode de vie originel de solitude, de pauvreté et de pénitence pratiqué par le saint fondateur.

Dans le contexte de la Réforme luthérienne, les premières années furent difficiles et Fra Matteo fut l’objet des persécutions de ses supérieurs et ses premiers compagnons furent contraints à la clandestinité par les autorités ecclésiastiques, qui voulurent même les poursuivre pour abandon de leurs obligations religieuses.  Matteo et ses compagnons trouvèrent refuge chez les moines camaldules; en signe de reconnaissance, ils adoptèrent leur capuche, qui était la marque de l’ermite dans les Marches, et la coutume de porter la barbe. Le nom populaire de leur mouvement vient de ce vêtement caractéristique.

En 1528, Fra Matteo obtint, avec la médiation de Caterina Cybo, duchesse de Camerino, l’approbation du pape Clément VII par la bulle Religionis Zelus et reçut la permission de vivre en ermite et d’aller partout prêcher aux pauvres. Cette licence était également valable pour tous ceux qui se joindraient à lui dans une tentative de rétablir l’observance la plus littérale possible de la Règle de saint François. On imagine les réflexions de Clément VII, qui comme tous les Médicis était loin d’être un saint homme, devant ces « purs ». Matteo et le groupe d’origine furent bientôt rejoints par d’autres et ils furent appelés frères mineurs de la vie érémitique. Leur mouvement devint une congrégation, les frères mineurs ermites, une branche des franciscains conventuels, dotée de son propre vicaire. Les fondateurs étant de Bologne, le mouvement se développa naturellement dans la région, ce qui n’est pas anodin car, Bologne, c’est comme le souligne justement l’historienne, la « madre degli studi ». C’est d’ailleurs dans cette ville que se tinrent en 1547, trois sessions (IX à XI) du concile de Trente auxquelles participa le Vicaire Général des Capucins, Bernardo d’Asti. Bien qu’il eût connu quelques vicissitudes, comme la conversion au protestantisme de son Vicaire Général Bernardino Ochino en 1542, le développement du mouvement fut d’une rapidité étonnante. En quelques années, malgré qu’il eut failli être supprimé plusieurs fois, il se structura, accueillit de nombreux frères et ouvrit de nombreux établissements.

Donatella Biagi Maino caractérise très bien l’ordre des frères mineurs: retour aux vœux de pauvreté et de simplicité , refus des prédications compliquées ou trop théoriques qui isolent le prêtre des fidèles, retour à la simplicité, à la clarté, à la lecture et à l’explication simple des évangiles, recherche d’une vie en accord avec celle illustrée par le Christ et les premiers chrétiens, en un mot retour à l’imitation de Jésus-Christ, prônée par saint François, ce que l’auteure nomme très justement, « il cristocentrismo cappucino ». Cette proximité avec la parole du Christ et avec le peuple des Chrétiens dut faire l’effet d’un bol d’air frais. Finalement les Capucins anticipaient un grand nombre des résultats du Concile et les mettaient en pratique avant même qu’ils ne soient couchés par écrit.

Avançant dans l’Histoire, la trajectoire des Capucins croise immanquablement celle de l’archevêque de Bologne, Gabriele Paleotti mais aussi celle de son cousin Alfonso qui consacra en particulier leur église, dédiée à l’exaltation de la sainte Croix, le 3 mai 1593 (p. 18). Gabriele avait publié neuf ans plus tôt le Discorso Intorno alle imagini sacrese e profane.

Le concile de Trente avait débuté en 1545 à l’initiative de Paul III, et s’était terminé en 1563. Convoqué pour trouver des réponses et des solutions aux positions de Luther et Calvin, il abandonna rapidement cette ambition pour se consacrer à la refondation de l’église dans son organisation et dans ses productions, comme l’art pictural. Se déployant sur dix-huit années, ses multiples sessions qui se tinrent entre Trente et Bologne, se déroulèrent sous cinq pontificats (Paul III, Jules III, Marcel II, Paul IV, qui, hostile au concile, en suspend les travaux, et Pie IV), ce qui fait qu’il constitue un « objet intellectuel » assez particulier, l’essentiel des membres de la séance inaugurale étant morts lors de la séance finale. Au surplus, il dut faire face à de très nombreuses difficultés matérielles comme les guerres entre les pays catholiques qui fournissaient des contingents d’évêques ou des problèmes diplomatiques de toutes sortes. Après bien des difficultés se tint la séance de clôture et l’ensemble des décrets du concile ayant été lus devant les Pères, rassemblés dans la cathédrale Saint-Vigile de Trente, les 220 prélats présents signèrent l’acte final le 4 décembre 1563. On peut résumer le concile (18 ans, 28 sessions, quelques milliers de pages…) en trois points : le dogme, où le concile confirme tout ce que l’Eglise a toujours cru sans rien accorder aux protestants, l’organisation, où les innovations sont très nombreuses (séminaires, catéchisme, …) et le reste, l’art appartenant à cette dernière catégorie. Une remarque de Paul Scarpi résume l’ambiance des dernières séances:

«les légats, qui souhaitaient extrêmement de voir bientôt la fin du concile, proposèrent d’expédier ce qui restait des matières de foi, de l’invocation des saints et du Purgatoire, de la manière qui paraîtrait la plus facile et la plus courte ».

La question des images, abordée en toute fin de session, fit partie des sujets rapidement expédiés. Il s’agit d’abord de confirmer rapidement, contre l’avis des protestants, la conformité de la représentation anthropomorphique de Dieu, ensuite de définir le caractère sacré des images et de déterminer si elles devaient être on non vénérées. Malgré l’insistance des jésuites, les prélats réglèrent la question au plus court, en recommandant «un usage légitime des images conformément à la doctrine de l’Eglise », et en définissant quelques directives générales[1] pour renvoyer les détails aux soins des évêques et de la curie. Le concile ne s’intéressa ni à la musique, ni à la littérature, ni aux autres arts. Ce fut donc aux évêques de prendre la suite. Comme le disent Robert Klein et Henri Zerner:

«Le concile de Trente avait confié l’application des décrets sur les images aux évêques. L’évêque de Bologne, le cardinal Gabriele Paleotti, proposa d’en faire une sorte de recueil législatif complet. »[2].

Il publiera à Bologne, en 1582, année où les Carrache fondent leur académie en cette même ville, son Discorso.

Le Discorso de Paleotti devait être une somme en cinq livres. Dans l’avertissement, le cardinal fait une présentation de son travail. Le premier livre est consacré à des principes généraux[3], le deuxième traite des abus des images, sacrées comme profanes[4].  Les trois autres livres n’ont pas été écrits, nous n’en avons donc que le programme. Le troisième livre devait parler des images lascives et malhonnêtes. Le quatrième semblait avoir une portée strictement religieuse et circonscrite à l’évêché de Bologne où un tableau de Federico Zuccaro avait récemment fait scandale. Le cinquième était à l’usage des prêtres:

«afin qu’ils voient comment ils peuvent pratiquer l’art de manière chrétienne ; avec la conclusion de la méthode à observer pour l’avenir dans notre ville et diocèse autour des peintures ».

Paleotti apparait dans son traité comme le militant d’un art religieux simple et direct, à fonction essentiellement didactique. Il s’oppose au perfectionnement de l’art qu’il considère comme fruit de la vanité, à la lascivité [5] sous toutes ses formes, il considère l’intérêt pour l’antiquité comme suspect de paganisme et il refuse l’obscurité à laquelle il consacre un long chapitre [6] mais dit l’essentiel dans sa première phrase:

«L’un des principaux éloges que l’on adresse généralement à un auteur ou à un professeur d’une science est qu’il sait expliquer clairement ses concepts, et les sujets, même s’ils sont élevés et difficiles, les rendre avec sa façon facile de parler intelligible à tous et claire. On peut dire la même chose en universel du peintre, et d’autant plus que ses œuvres servent surtout de livre pour les idiots (sic !), à qui parlez toujours ouvertement et clairement »[7].

Paleotti est à l’opposé du courant maniériste et considère la culture antique, souvent porteuse d’histoires lascives, avec beaucoup de circonspection.

Ce que Paleotti appelle de ses vœux, c’est précisément ce que les Capucins mettaient en pratique dans leurs sermons ou dans leur enseignement tous les jours dans leurs églises ou dans le siècle. Comme le dit l’auteure «persuadere e la parola chiave che essplicitamente accopia la pittura sacra al discorso retorico” (p. 19). Reste à savoir ce qu’il en est de la peinture et comment se traduisent sur le plan pictural ces idées combinées des Capucins et de Paleotti. C’est précisément ce que la longue étude que l’auteure consacre au magnifique tableau de Ludovic Carrache, la Flagellation du Christ, permet de comprendre. Celui-ci est non seulement un tableau inspiré des principes capucins mais encore un tableau commandé par les Capucins. Encore une fois il faut se rappeler que ceux-ci précèdent les Carrache. Ils ont donc dû, dans les années 1550-1570, « faire avec » le maniérisme finissant. Ils ont commandé des tableaux à des peintres locaux, Pietro Lamo, Amico Aspertini (p. 20) mais que furent ces essais en comparaison des chefs-d’œuvre bolonais ? Comme le dit l’auteure « il dipinto qui ci si riferisce e capo d’opera al catalogo del gran artista bolognese ».

Elle souligne justement qu’il répond parfaitement aux suggestions de Paleotti et à l’urgence christocentrique des Capucins (p. 20). Pour reprendre ses propos, Ludovic œuvre à « persuadere le personne alla pieta » et à « unire gli uomini a Dio » qui sont les paroles mêmes de Paleotti (p 21) et la tâche fondamentale d’un prédicateur.

Figure 1 Ludovic Carrache. La Flagellation du Christ. Douai, musée de la Chartreuse.

La toile, aujourd’hui au musée de Douai, après être réapparue sur le marché d’art parisien dans les années 1960, comme le rappelle l’article, date du début des années 1580, la meilleure période du peintre, celle de « la piu gentile ed amorosa fattura che mai dalle sui mani uscisse » comme le dit Malvasia [1]. Ludovic arrive dans cette toile à réunir, l’efficacité narrative d’un des épisodes les plus poignants de l’Evangile, la simplicité, la clarté et l’émotion qui permettent aux fidèles d’« accostare con simplicita al divino » pour leur consolation et leur salut. Ludovic donne aussi corps à une autre idée de Paleotti, celle de la peinture comme langage universel que tout homme même le plus simple peut comprendre. La Flagellation répond entièrement à la demande Paleotti qui voulait des « imagine fatte all vivo, che quasi violentano i sensi incauti »[2]. Les Capucins furent très satisfaits de l’œuvre et en firent exécuter de nombreuses copies.

Ludovic Carrache honorera d’autres commandes de la part des Capucins. L’auteure commente deux œuvres de particulière importance, la Vierge à l’enfant avec saint Joseph et saint François[3] et Saint François en adoration devant un Crucifix[4]. L’une comme l’autre, expriment la même convergence de pensée que la Flagellation. L’historienne souligne avec justesse que le rapport du peintre avec les Capucins apparait fondé sur une même sincérité d’inspiration religieuse. Le saint François de Ludovic Carrache porte d’ailleurs la capuche pointue, emblématique des Capucins. Ce n’est sans doute pas un hasard.

Donatella Biagi Maino aborde ensuite deux autres peintres de l’école bolonaise, Guido Reni et Guerchin. De Guido Reni elle commente en particulier une Madone, hélas détruite pendant la dernière guerre et un grand calvaire[5], une peinture d’une « extrême intensité » qui se trouvait au Monte Calvario, le grand sanctuaire capucin. Ce retable, qui fut commandé en 1619, année de la mort de Ludovic, est d’un « lyrisme poignant » (p. 28) et constitue « l’un des prototypes de l’iconographie christologique du Seicento ». Malvasia le qualifie de « Cristo de’ Cappuccini di Guido ». Le tableau fut l’objet de beaucoup de soins de la part des Capucins qui furent immédiatement conscients de sa force et de sa parfaite fidélité au Credo catholique. Ils en firent également des copies. Cette image était particulièrement révérée des frères qui étaient aux portes de la mort, à qui elle procurait consolation et confiance. Comme Ludovic Carrache son maître, Reni réussit à fondre en un tableau les différentes lignes de forces de la prédication capucine: la proximité avec le texte évangélique, la simplicité, l’immédiateté corporelle, la beauté qui surgit naturellement, sans affectation ni calcul, l’émotion, la présence du Christ, la consolation et la voie vers le salut. Il est naturel que les frères en aient fait une œuvre psychopompe.

Figure 2 Guido Reni, Crucifixion, Bologna, Pinacoteca nazionale

Guerchin à son tour contribua au mouvement par plusieurs tableaux en particulier des saint François recevant les stigmates [1], réalisés dans la troisième partie de sa carrière, quand il s’installe à Bologne après la mort de Guido Reni (1641) reprenant,  d’une certaine manière, son activité et en partie son style. Le tableau de Mainz, commandé pour l’église di Schiavonnia de Forli est particulièrement impressionnant par son dramatisme, son aspect tourmenté qui contraste avec la profonde humanité de Saint François. Encore une fois, nous avons en face de nous « un sentiment chrétien d’une profonde humanité ».

Ludovic Carrache, Guido Reni et Guerchin sont les sommets d’un paysage montagneux qui comprend également de nombreuses collines, dont la moindre n’est pas Lavinia Fontana, et qui s’achève avec Gaetano et Ubaldo Gandolfi. Donatella Biagi Maino décrit cet espace avec beaucoup de soin et une érudition impressionnante et montre l’importance des commandes des Frères mineurs tout au long des deux siècles qui ont suivi leur fondation. Une fois encore, on ne saurait trop souligner l’importance de la remise en perspective opérée par cet article, qui redonne au mouvement capucin toute l’importance qu’il a eu dans l’Histoire de l’Art, en préparant la narration picturale des évangiles qui sera théorisée par le cardinal Paleotti et magnifiquement réalisée par l’Ecole Bolonaise.

Philippe PREVAL    Paris 30 Luglio 2023

Omnis superstitio in imaginum sacro usu tollatur; omnis turpis quaestus eliminetur, omnis

denique lascivia vitetur, ita ut procaci venustate imagines nec pingantur nec ornentur.

Concil. Trid., sess. XXV

Toute superstition est supprimée dans l’usage sacré des images ; toute recherche honteuse sera éliminée, enfin, toute lascivité est à proscrire, afin que les images ne soient ni peintes ni parées d’une beauté provocante.
Postremo tanta circa haec diligentia et cura ab Episcopis adhibeatur, ut nihil inordinatum, aut

praepostere aut tumultuarie accommodatum, nihil prophanum, nihilque inhonestum appareat, cum domum Dei deceat sanctitudo.

Enfin, tout soin et attention doivent être exercés en cette matière par les évêques, afin que rien de désordonné, soit par maladresse, soit accommodé dans le tumulte, rien de profane et rien de déshonnête, ne paraisse, car seule la sainteté convient à la maison de Dieu.

TRADUZIONE ITALIANA

Donatella Biagi Maino docente universitaria a Bologna e autrice di oltre 100 pubblicazioni pubblica uno studio di grande rilievo sul movimento dei cappuccini e il suo rapporto con la creazione artistica, in particolare con la pittura bolognese dal titolo “La via cristiana alla pittura dei Frati Minori”, che a nostro parere sarà fondamentale per tutti coloro che sono interessati alla storia della pittura in epoca moderna. Si è spesso sottolineato che la scuola dei Carracci aprì una nuova stagione della pittura che continuò fino a David e Ingres, al punto che dopo Annibale Carracci la storia della pittura europea si confuse con quella della pittura bolognese o della pittura che ne derivò. La miracolosa coincidenza tra la pubblicazione dell’opera del cardinale Paleotti, arcivescovo di Bologna, con le note idee tridentine sulla pittura e la fondazione della scuola dei Carracci nel 1582 è stata sottolineata da molti storici dell’arte. Quello che la Biagi Maino ci fa capire è che non si è trattato di un dittico tra il cardinale teorico e il geniale artista attorniato dal fratello e dal cugino, che Bellori chiama suo fratello, ma di un trittico, essendo la terza componente appunto il modo di predicazione dei Cappuccini, che si dispiegò in primis nell’Emilia-Romagna. Questo passaggio dalla dualità alla trinità è un grande sconvolgimento di prospettiva. La semplicità e il pragmatismo difesi da Paleotti ed espressi nei dipinti dei bolognesi è proprio ciò che la predicazione dei Cappuccini attuò almeno una generazione prima del famoso anno 1582. In un certo senso, i Carracci illustrarono e Paleotti teorizzò ciò che i frati predicavano ogni domenica nelle loro chiese.Per dimostrare questa tesi, che getta una nuova luce sul movimento di rinnovamento bolognese, la studiosa inizia ripercorrendo la storia dell’ordine dei Frati Minori Cappuccini (Ordo Fratrum Minorum Capuccinorum), che come i cistercensi per i benedettini, fu un movimento di rifondazione di cui la Chiesa ne ha conosciuti tanti. In una prima parte molto ben documentata l’autrice narra la storia dell’ordine, sorto intorno al 1525, quando il frate francescano Matteo da Bascio, ordinato sacerdote nelle Marche, giunto alla conclusione che lo stile di vita condotto dai francescani del suo tempo non era più quello voluto da San Francesco, scelse di deviare dall’ordine per ritornare all’originario stile di vita di solitudine, povertà e penitenza praticato dal santo fondatore.In un contesto in cui si affermava la Riforma luterana, i primi anni furono difficili e Fra Matteo fatto oggetto di persecuzione da parte dei suoi superiori tanto che i suoi primi compagni furono costretti alla clandestinità dalle autorità ecclesiastiche trovando rifugio presso i monaci camaldolesi. Come loro riconoscimento adottarono il cappuccio, e l’usanza di portare la barba. Il nome popolare del loro movimento deriva da questo caratteristico indumento. Nel 1528 Fra Matteo ottenne, con la mediazione di Caterina Cybo, duchessa di Camerino, l’approvazione di papa Clemente VII con la bolla Religionis Zelus e con il permesso di vivere da eremita e di andare ovunque a predicare ai poveri. Questa licenza valeva anche per tutti coloro che si sarebbero uniti a lui nel tentativo di ripristinare l’osservanza più letterale possibile della Regola di san Francesco. Furono chiamati Frati Minori di Vita Eremitica e il loro movimento divenne una congregazione, i Frati Minori Eremiti, un ramo dei Francescani Conventuali, dotata di un proprio vicario.Essendo i fondatori bolognesi, il movimento si sviluppò naturalmente in quella regione, il che non è trascurabile perché, Bologna, è come giustamente sottolinea la Biagi Maino, la “madre degli studi”. Sempre in questa città si tennero, nel 1547, tre sessioni (dalla IX alla XI) del Concilio di Trento a cui partecipò il Vicario Generale dei Cappuccini, Bernardo d’Asti. Nonostante avesse conosciuto alcune vicissitudini, come la conversione al protestantesimo del suo vicario generale Bernardino Ochino nel 1542, lo sviluppo del movimento fu sorprendentemente rapido e nonostante fosse stata più volte quasi soppressa, si strutturò accogliendo molti fratelli e aperto molti istituti. Donatella Biagi Maino descrive molto bene l’ordine dei Frati Minori: ritorno ai voti di povertà e semplicità, rifiuto della predicazione complicata o troppo teorica che isola il sacerdote dai fedeli, ritorno alla semplicità, alla chiarezza, alla lettura e alla semplice spiegazione dei Vangeli, ricerca di una vita in sintonia con quella illustrata da Cristo e dai primi cristiani; in una parola, un ritorno all’imitazione di Gesù Cristo, auspicata da san Francesco che chiama molto opportunamente “il cristocentrismo cappuccino”. Questa vicinanza alla parola di Cristo e al popolo cristiano deve aver avuto l’effetto di una boccata d’aria fresca. Infine i Cappuccini hanno anticipato molti dei risultati del Concilio e li hanno messi in pratica ancor prima che fossero scritti. Andando avanti nella Storia, la traiettoria dei Cappuccini incrocia inevitabilmente quella dell’Arcivescovo di Bologna, Gabriele Paleotti, ma anche quella del cugino Alfonso che in particolare consacrò la loro chiesa, dedicata all’esaltazione della Santa Croce, il 3 maggio 1593 (pagina 18). Gabriele aveva pubblicato il Discorso intorno alle immagini sacre e profane nove anni prima. Il Concilio di Trento iniziò nel 1545 per iniziativa di Paolo III, e terminò nel 1563. Convocato per trovare risposte e soluzioni alle posizioni di Lutero e Calvino, abbandonò ben presto questa ambizione per dedicarsi alla rifondazione della chiesa nella sua organizzazione e nelle sue produzioni, come l’arte pittorica. In diciotto anni, le sue molteplici sessioni che si svolsero tra Trento e Bologna sotto cinque pontificati (Paolo III, Giulio III, Marcello II, Paolo IV, che, ostile al concilio, ne sospese i lavori, e Pio IV), il che lo rende un “oggetto intellettuale” piuttosto speciale, poiché la maggior parte dei membri della sessione inaugurale era morta durante la sessione finale. Dopo molte difficoltà, si tenne la sessione conclusiva e letti tutti i decreti del concilio davanti ai Padri, riuniti nella cattedrale di Saint-Vigile a Trento, i 220 presuli presenti firmarono l’atto finale il 4 dicembre 1563, che si può riassumere in tre punti: il dogma, dove il concilio conferma tutto ciò che la Chiesa ha sempre creduto senza concedere nulla ai protestanti, l’organizzazione, dove le novità sono numerosissime ( seminari, catechismo, …) e il resto tra cui l’arte appartenente a quest’ultima categoria. Un’osservazione di Paolo Sarpi riassume l’atmosfera delle ultime sedute:

“i legati, che erano sommamente ansiosi di vedere presto la fine del concilio, proposero di sbrigare quel che restava delle questioni di fede, dell’invocazione dei santi e del Purgatorio, nel modo che fosse apparso il più facile e il più breve” .

La questione delle immagini, presa in esame proprio alla fine della seduta, fu uno dei temi più rapidamente affrontati. Innanzitutto veniva confermata, contro il parere dei protestanti, la conformità della rappresentazione antropomorfica di Dio, e poi la definizione del carattere sacro delle immagini e se dovessero essere venerate o meno. Nonostante le insistenze dei gesuiti, i presuli risolsero assai presto la questione, raccomandando «un uso legittimo delle immagini secondo la dottrina della Chiesa», e definendo alcune direttive generali [1] per lasciare i dettagli alla cura dei vescovi e della curia. Il consiglio non era interessato alla musica, alla letteratura o ad altre arti. Spettava quindi ai vescovi subentrare. Come affermano Robert Klein e Henri Zerner:

“Il Concilio di Trento affidava ai vescovi l’applicazione dei decreti sulle immagini. Il vescovo di Bologna, cardinale Gabriele Paleotti, propose di farne una sorta di compendio legislativo completo. »[2].

In effetti Paleotti pubblicherà il suo Discorso a Bologna, nel 1582, anno in cui i Carracci fondarono in questa stessa città la loro accademia. Il Discorso di Paleotti doveva essere una somma di cinque libri. Nell’avviso il cardinale fa una presentazione del suo lavoro. Il primo libro è dedicato ai principi generali [3], il secondo tratta dell’abuso delle immagini, sia sacre che profane [4]. Gli altri tre libri non sono stati scritti, quindi abbiamo solo il programma. Il terzo libro doveva parlare di immagini lascive e disoneste. Il quarto sembrava avere una portata prettamente religiosa ed era limitato al vescovado di Bologna dove recentemente aveva fatto scandalo un dipinto di Federico Zuccaro. Il quinto era ad uso dei sacerdoti:

“perché vedano come possono praticare l’arte in modo cristiano; con la conclusione del metodo da osservare per il futuro nella nostra città e diocesi attorno ai dipinti”.

Paleotti appare nel suo trattato come il militante di un’arte religiosa semplice e diretta, con una funzione essenzialmente didattica. Alla lascivia [5] in tutte le sue forme, oppone la perfezione dell’arte che considera frutto della vanità, ritiene sospetto di paganesimo l’interesse per l’antichità e rifiuta l’oscurità alla quale dedica un lungo capitolo [6] ma dice l’essenziale nella sua prima frase:

“Una delle principali lodi che si fanno di solito a un autore o insegnante di una scienza è che sa spiegare chiaramente i suoi concetti, e le materie, per quanto alte e difficili, le rendono col suo modo facile di parlare comprensibili a tutti e chiare. La stessa cosa possiamo dire in universale del pittore, tanto più che le sue opere servono soprattutto da libro per idioti (sic! ndA), ai quali parlano sempre apertamente e chiaramente”[7].

Paleotti, all’opposto della corrente manierista, considera con grande circospezione la cultura antica, spesso portatrice di storie lascive. Ciò che egli chiede è proprio ciò che i Cappuccini mettono in pratica nelle loro prediche o nel loro insegnamento ogni giorno nelle loro chiese o nel secolo. Come dice l’autrice “persuadere e la parola chiave che essplicitamente accoppia la pittura sacra al discorso retorico” (p. 19). Resta da vedere di cosa si tratti di pittura e come si traducano sul piano pittorico queste idee combinate dei Cappuccini e di Paleotti. Proprio questo ci permette di comprendere il lungo studio che l’autore dedica al magnifico dipinto di Ludovico Carracci, la Flagellazione di Cristo. Questo non è solo un dipinto ispirato ai principi cappuccini ma anche un dipinto commissionato dai Cappuccini. Ancora una volta va ricordato che questi precedono i Carracci. Dovettero quindi, negli anni 1550-1570, “fare i conti” con la fine del Manierismo. Commissionavano quadri a pittori locali, Pietro Lamo, Amico Aspertini (p. 20) ma cosa erano questi saggi rispetto ai capolavori bolognesi? Come dice la Biagi Maino, “il dipinto cui ci si riferisce è capolavoro del catalogo del gran artista bolognese”. Giustamente osserva che esso risponde perfettamente alle indicazioni di Paleotti e all’urgenza cristocentrica dei Cappuccini (p. 20). Per usare le sue parole, Ludovico lavora per “persuadere le persone alla pietà” e “unire gli uomini a Dio” che sono le stesse parole di Paleotti (p 21) e il compito fondamentale di un predicatore.

Figure 1 Ludovic Carrache. La Flagellation du Christ. Douai, musée de la Chartreuse.

La tela, oggi al museo di Douai, dopo essere ricomparsa sul mercato dell’arte parigina negli anni Sessanta, come ricorda l’articolo, risale all’inizio degli anni Ottanta del Cinquecento, il periodo migliore del pittore, quello della “più gentile ed amorosa fattura che mai da le sui mani uscisse” come dice Malvasia [1]. Ludovico riesce in questa tela a riunire l’efficacia narrativa di uno degli episodi più struggenti del Vangelo, la semplicità, la chiarezza e l’emozione che permettono ai fedeli di “accostare con semplicita al divino” per la loro consolazione e la loro salvezza. Ludovico dà sostanza anche a un’altra idea di Paleotti, quella della pittura come linguaggio universale che anche l’uomo più semplice può comprendere. La Flagellazione risponde interamente alla richiesta paleottiana di “imagine fatti all vivo, che quasi violentano i sensi incauti“[2]. I Cappuccini furono molto soddisfatti del lavoro e ne fecero fare molte copie. Ludovico Carracci onorerà altri ordini dei Cappuccini. La Biagi Maino commenta due opere di particolare importanza, la Vergine col Bambino tra San Giuseppe e San Francesco [3] e San Francesco in adorazione davanti al Crocifisso [4]. Entrambi esprimono la stessa convergenza di pensiero della Flagellazione. La studiosa fa giustamente notare che il rapporto del pittore con i Cappuccini appare basato sulla stessa sincerità di ispirazione religiosa. San Francesco di Ludovico Carracci indossa il cappuccio a punta, emblema dei Cappuccini. Probabilmente non è una coincidenza. Donatella Biagi Maino si accosta poi ad altri due maestri della scuola bolognese, Guido Reni e Guercino. Di Guido Reni commenta in particolare una Madonna, purtroppo distrutta durante l’ultima guerra e un grande Calvario [5], dipinto di “estrema intensità” che si trovava nel Monte Calvario, il grande santuario dei Cappuccini. Questa pala, commissionata nel 1619, anno della morte di Ludovico, è di “struggente lirismo” (p. 28) e costituisce “uno dei prototipi dell’iconografia cristologica del Seicento“. Malvasia lo chiama “Cristo de’ Cappuccini di Guido“. Il dipinto fu oggetto di molta cura da parte dei cappuccini che ne avvertirono subito la forza e la perfetta fedeltà al Credo cattolico, tanto da farne altre copie. Questa immagine era particolarmente venerata dai fratelli che erano alle soglie della morte, ai quali dava consolazione e fiducia. Come Ludovico Carracci, suo maestro, Reni riesce a fondere in un quadro le diverse linee di forza della predicazione cappuccina: la vicinanza al testo evangelico, la semplicità, l’immediatezza corporea, la bellezza che nasce con naturalezza, senza affettazione né calcolo, l’emozione, la presenza di Cristo, consolazione e via di salvezza. È naturale che i fratelli ne abbiano fatto un’opera psicopompa.

Guercino a sua volta contribuì al movimento con diversi dipinti in particolare il San Francesco che riceve le stigmate [1], realizzati nella terza parte della sua carriera, quando si trasferì a Bologna dopo la morte di Guido Reni (1641) riprendendo, in qualche modo, la sua attività e in parte il suo stile. Il dipinto di Magonza, commissionato per la chiesa della Schiavonnia a Forlì, è particolarmente suggestivo per la sua drammaticità, il suo aspetto tormentato che contrasta con la profonda umanità di San Francesco. Ancora una volta, abbiamo davanti a noi “un sentimento cristiano di profonda umanità”.

Ludovic Carracci, Guido Reni e Guercino sono i vertici di un paesaggio montuoso che comprende anche molte colline, non ultima Lavinia Fontana, e che si chiude con Gaetano e Ubaldo Gandolfi. Donatella Biagi Maino descrive questo spazio con grande cura e impressionante erudizione e mostra l’importanza degli ordini dei Frati Minori nei due secoli successivi alla loro fondazione. Ancora una volta, non si può sopravvalutare l’importanza della prospettiva apportata da questo articolo, che restituisce al Movimento Cappuccino tutta l’importanza che ebbe nella Storia dell’Arte, preparando la narrazione pittorica dei Vangeli che sarà teorizzata dal Cardinale Paleotti e magnificamente realizzato dalla Scuola Bolognese.

Philippe PREVAL    Paris 30 Luglio 2023

NOTE

[1] Cesena, Pinacoteca regionale, 1646 et Mainz, Landesmuseum, 1651.
[2] Klein, Zerner, 1989, p 124: The council of Trent had entrusted the application of the decrees on images to the bishops. The bishop of Bologna, Cardinal Gabriele Paleotti, proposed to develop it into a kind of complete legislative digest.
[3] varie cose in generale delle imagini, come fondamento al resto dell’edificio
[4] ce livre a aussi été divisé en trois parties principales : la première parle d’abus autour des images sacrées ; la seconde des abus des images profanes ; la troisième des abus qui peuvent être communs aux deux. questo libro anch’esso in tre membri principali: il primo parla degli abusi intorno alle imagini sacre; il secondo degli abusi delle imagini profane; il terzo degli abusi che possono essere communi all’une e l’altre.
[5] Livre II, Chap. XXXXVI. Delle pitture delle imprese. osservare quello che la legge nostra, nemica capitale dell’ozio e della lascivia, ne commanda. observez ce que commande notre loi, ennemie capitale de l’oisiveté et de la lascivité.
[6] Livre II, Chap. XXXIII. Delle pitture oscure e difficili da intendersi.
[7] Una delle principali laudi che sogliono darsi ad uno autore o professore di qualche scienza, è ch’egli sappia chiaramente esplicare i suoi concetti, e le materie, se bene alte e difficili, renderle col suo facil modo di parlare intelligibili a tutti e piane. Il medesimo possiamo affermare in universale del pittore, e tanto più, quanto l’opere sue servono principalmente per libro degli idioti, alli quali bisogna sempre parlare aperto e chiaro.
[8] Malvasia, Felsina pittirisce, cité par l’auteure, p. 21.
[9] Paleotti, Discorso, cité par l’auteure, p. 21.
[10] Cento, Pinacoteca regionale
[11] Rome, Museo capitolino
[12] Bologne, Pinacoteca nazionale